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Les souffrances underground du jeune Nostradamiaou

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Nom :
Lieu : Paris, France

4.3.05

Mémé, le retour.

Mémé est songeuse. Elle n’a pas l’intention de se laisser emprisonner dans une maison de vieux par ses enfants. Son cinq pièces de cent trente mètres carrés, loi Carrez, aux Buttes Chaumont, il y a pas mal de monde qui le trouve sympa depuis la flambée des prix de l’immobilier. Les enfants les premiers.

Non, Mémé, on ne la lui fait pas à elle. Elle restera là, coûte que coûte. Il va falloir attendre encore un peu avant de la spolier. Elle n’a pas l’intention de passer l’arme à gauche dans l’immédiat. La botanique, ça ne la branche pas des masses Mémé. Les racines de pissenlits, malgré leurs vertus diurétiques, elle les étudiera plus tard.

La pendule achetée à Saint Malo après la guerre sonne, sortant Mémé de sa torpeur. Il est 14h00. Mémé se lève et se dirige vers la fenêtre. Il neige encore et ça n’arrange pas ses affaires. Elle a rendez vous avec la vie.

Comme son nom l’indique, le quartier des buttes Chaumont est situé sur une petite colline parisienne. Et une colline, ça a la particularité d’être en pente. Et les trottoirs glacés en pente, ça a la particularité de glisser méchamment. Mémé, le ski ça n’a jamais été trop son truc, surtout en talons. Elle porte toujours des talons Mémé. Elle continue en effet à prendre soin d’elle tous les jours, pour les trois sorties quotidiennes. Elle est plutôt coquette. Le boucher d’à coté lui lance toujours un « bonjour jeune fille » quand elle va acheter 80 grammes de bavette pour elle et 300 grammes de mou pour le chat. Dans ces moments là, elle ne le montre pas, mais elle est flattée.

Son chat, à Mémé, c’est ce qui compte le plus au monde pour elle. Lui, il s’en fout de son cent trente mètre carrés loi Carrez. Il a sa petite caisse en osier avec un coussin à fleur dedans, et ça suffit largement à son bonheur. Elle l’aime comme un fils et, prévoyante qu’elle est, elle lui a déjà réservé un emplacement au cimetière pour animaux d’Asnières.

Mémé est donc très ennuyée par la neige qui tombe. De ses trois sorties quotidiennes, elle a déjà manqué la première. Celle de 9h30. Trop dangereux. Mémé, il n’y a plus grand-chose qui lui fait peur, mais elle n’est pas non plus inconsciente. Son col du fémur n’a plus vingt ans contrairement à son esprit sarcastique. Cependant, c’est irrépressible, il faut qu’elle sorte.

- Je vais aller à la banque, se dit elle.

Et hop, Mémé enfile son manteau de fourrure acheté rue Saint Honoré. Le cadeau d’un prétendant quand elle était encore jeune et belle. En partant, elle n’oublie pas de prendre son parapluie. Son parapluie, elle l’avait récupéré à la Coupe d’Or, le restaurant Chinois en bas de chez elle. Elle aime bien manger Chinois. Un lundi soir, en fin de service, tous les clients étaient partis tôt. Elle était la dernière, seule à sa table et elle voyait que, dans le bac à parapluie, quelqu’un avait oublié le sien. C’était l’été et il ne pleuvait pas. Depuis combien de temps ce parapluie était-il là ? Peu importait, personne ne saurait qu’il ne lui appartenait pas. Et qui oserait mettre en doute la parole d’une dame de son age.

Son parapluie publicitaire Playstation II à la main, donc, Mémé sort de chez elle et prend l’escalier. Elle prend toujours l’escalier, deux étages à descendre, ça fait un peu d’exercice. Et puis surtout, une fois, elle était restée coincée dans l’ascenseur. Ce n’est pas un très bon souvenir, même si le pompier qui était venu la délivrer était joli garçon. Remarque, pour Mémé, en dessous de 30 ans, il n'y a que des jolis garçons.

Arrivée au pied de l'immeuble, dans la rue, mémé tâte le terrain du bout du pied. Le trottoir est légèrement blanchi, mais l’on voit des flaques d’eau. C’est bon signe, elle se lance. Direction la place Armand Carrel. Mémé, Armand Carrel, elle pourrait presque l’avoir connu. Il est mort en 1836.

Elle regrette un peu d’avoir mis des talons. Ca lui donne une démarche un peu bizarre, elle le sent bien. Ca l’aiderait sûrement, mais elle ne veut pas de canne. C’est pour les vieux les cannes. D’un pas aussi précautionneux que maladroit, Mémé arrive au passage piéton de la rue de Crimée. A cet endroit, la rue est drôlement pentue et les automobiles descendent à vive allure. Appuyée sur un petit poteau protégeant le passage piéton, elle attend impatiemment en reprenant son souffle que le petit bonhomme devienne vert. Ca y est, c’est vert, elle peut y aller. Sans hésiter, Mémé s’engage sans tenir compte de sa faible corpulence comparée à celle de la voiture qui arrive. Qu’à cela ne tienne, le petit bonhomme est vert et c’est à elle de passer. D’un mouvement de bras rageur qu’elle adresse au conducteur, elle salue le freinage d’urgence effectué avec succès. Mémé se marre intérieurement, elle ne s’est pas laissée faire. Mémé, un, les voitures, zéro.

Sur les trottoirs, il n’y a personne ou presque. En tous cas pas de vieux. Il neige. Toute la rue est pour elle. Elle est partagée entre un sentiment de toute puissance et le regret de ne pouvoir distribuer habilement quelques coups de parapluie dans le visage des passants. Le parc des Buttes Chaumont est fermé en raison des intempéries. Derrière les grilles, on aperçoit le temple de Sybille, en haut de la reconstitution des falaises d’Etretat. Il y a de la neige partout. Mémé trouve ça joli un instant, avant de penser qu’elle aimerait bien aller au parc. Elle n’y va jamais d’habitude, mais là, comme elle ne peut pas, elle aimerait bien. Ca la met d’humeur maussade. Quelqu’un va payer.

A cinquante mètre, elle aperçoit le Crédit Lyonnais. Elle est cliente du crédit Lyonnais Mémé. C’est une bonne banque. Mémé le confirme: "Crédit Lyonnais, une banque à qui parler". En plus de quarante ans, jamais un solde négatif. Elle se dit qu’on pourrait quand même lui en être reconnaissants. C’est une bonne cliente.

Au moment où elle arrive près de l’entrée, un jeune homme - habillé fraîchement selon elle - s’apprête justement à entrer. Les jeunes gens ne savent plus s’habiller. Il a l’air d’avoir froid et il ne l’a pas volé. Son manteau noir est couvert de neige. Il n’avait qu’à avoir un parapluie. Ca l’ennuie beaucoup d’arriver en second. Elle n’aime pas trop avoir quelqu’un devant elle.

Le garçon pousse la porte qui s’ouvre sans résister. Elle s’engouffre derrière lui, le forçant à lui tenir la porte. C’est bien la moindre des choses. Tout se perd. Il n’y a plus de valeurs. Le parapluie Playstation II est rentré lui aussi mais il bloque la fermeture de la porte. Sans regarder son visage, elle sent que le garçon la regarde en tenant la porte, regarde le parapluie coincé dans la porte, puis la regarde à nouveau. Quelle impertinence !

Ce qu’elle déteste, Mémé, c’est fermer un parapluie. Ca mouille les mains et ça goutte partout. Une fois qu’il est fermé, on ne sait jamais trop quoi en faire et on ne sait pas où s’essuyer les mains. C’est très gênant. Si elle pouvait, elle le laisserait par terre, ouvert dans le sas, mais c’est trop petit. Elle le ferme en s’approchant de la seconde porte puis le secoue en punissant le jeune homme de son arrogance de quelques gouttes d’eau.

A cet instant, mémé a un doute. Elle se demande si elle a bien emmené avec elle les cachets pour son ostéoporose. Mais où sont donc ses cachets. Elle vérifie dans son sac, dans la poche intérieure, là où elle les met d’habitude, mais ils n’y sont pas.

C’est très ennuyeux et ça la chagrine. Tout à coup, elle voit une main passer par-dessus son épaule et appuyer sur le bouton jaune qui déclenche la lumière rouge. Non mais en voila des façons ! La lumière devient verte. Mémé fait comme si de rien était jusqu’à ce que le jeune homme lui signale que la lumière est verte et qu’elle peut donc ouvrir la porte. Comme si elle ne le savait pas ! Il va voir de quel bois elle se chauffe puisque c’est comme ça.

Mémé pousse la porte. Comme elle le sait, puisqu’elle vient plusieurs fois par semaines, cela ne l’ouvrira pas. Pour l’ouvrir, il faut tirer. D’ailleurs, c’est marqué en gros. Ca l’amuse beaucoup de sentir le jeune homme devenir nerveux derrière elle. Elle fait ensuite semblant de ne pas avoir la force de la tirer, la porte. Et le jeune homme lui donne un coup de main. Hop ! Elle se faufile prestement par l’ouverture et entre glorieusement dans l’agence. Hé hé ! Non mais alors !

Elle se dirige alors d’un pas alerte vers Christelle, la guichetière. Elle porte le même chemisier que vendredi dernier, Christelle. Le décolleté est vraiment indécent. On aperçoit la naissance des seins.

Un regard vers le jeune homme qui est en train d’écrire sur une table haute, à droite. Il a un air perplexe. Sans connaître la raison de cette perplexité, Mémé se dit que c’est bien fait.

- Bonjour Madame Maurice, lance la guichetière d’une voix molle. Il ne fait pas chaud aujourd’hui ! Vous êtes bien courageuse de sortir par ce temps. Comment allez vous ?

Mémé, à part ses problèmes d’ostéoporose, elle est plutôt en forme. Mais elle trouve quand même quelques sujets passionnants sur lesquels deviser. Sa sciatique la fait souffrir, son diabète n’est pas au mieux… D’ailleurs, elle voudrait bien un verre d’eau parce qu’elle a un cachet à prendre, c’est urgent, il est 14h30, et il est l’heure de les prendre. Le docteur a dit qu’il fallait les prendre tous les jours, à la même heure. Il est bien gentil, d’ailleurs, le docteur. Monsieur Cohen. Il est bien gentil, mais il ne serait pas content s’il savait ça.

- Bien sûr Madame Maurice, répond Christelle. Je vais vous chercher votre verre d’eau.

Elle est bien aimable, Christelle. Elle l’aime bien, Mémé, cette petite, malgré son décolleté outrageant. Le verre d’eau arrive et Christelle avec. Pendant ce temps, les cachets ont été retrouvés. Mémé les avale aidée du liquide. Ils ont du mal à passer et elle s’y reprend à deux fois.

Mémé, elle avait retiré cinquante euros mardi, comme tous les mardi. Elle n’en a dépensé que vingt depuis, comme chaque semaine. Elle aura besoin de vingt euros d’ici mardi prochain, alors elle dépose sur son compte les dix euros restants, comme tous les vendredi. Il est donc temps d’y aller. Elle adresse un sourire à Christelle en lui tapotant la main qui se trouve traîner sur le guichet. A mardi.

Mémé s’en va, déçue que le jeune homme soit encore absorbé par ses papiers et qu’il n’ait pas eu à faire queue derrière elle. Finalement, tout ça est passé trop vite. Et si elle allait à Monoprix ? Oui, bien sûr, normalement c’est le samedi matin Monoprix, mais briser la routine audacieusement de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

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